Artistes Expo Live


Angela Kirkwood possède toutes les qualités d’un Père Noël. Comme lui, elle n’est là que pour le bien des autres. Comme lui, elle tend à rendre le monde meilleur en offrant joies et sourires aux peuples du monde entier. Mais elle, au moins, bosse un peu plus qu’un seul jour par an. Ainsi, l’illustratrice et animatrice installée à Edimbourg peut pourvoir toute l’année les yeux ébahis en images efficaces, drôles et touchantes. En un mot, fun. Grâce à des personnages aux expressions surlignées, à des couleurs extra-chocs et à un dessin à la naïveté maîtrisée, l’Écossaise vient faire fléchir les zygomatiques et décrisper la ride du lion. La force graphique de ses compositions et la tendresse de ses sujets sapent l’anxiété et la colère qui s’envolent comme par magie. Le voilà, son cadeau. Ne reste qu’à le déballer.


Lynn Lehmann et Dennis Gärtner ne s’embarrassent pas de fioritures. Ce qui ne veut pas dire qu’ils disent non aux ornements. Mais ceux-là doivent être, à l’image des éléments centraux du tableau, aussi simples et percussifs que possible. C’est que le duo pratique le sport à un niveau professionnel : la boxe graphique est leur grande affaire. Que ce soit pour une série de tapis en collaboration avec la coopérative marocaine Tighlamin ou pour leurs fréquentes interventions sur les murs de Berlin, leurs œuvres se doivent de sauter sur le paletot du spectateur et lui coller immédiatement une paire de baffes visuelles. Ce qu’ils font plutôt bien, grâce à une panoplie de formes imposantes et de couleurs piquantes qu’ils agencent pour prendre le chaland à la régulière. Un direct et au tapis.



Il se dégage une sérénité peu commune des dessins de María Medem. Il faut dire qu’elle sait y faire pour nous installer confortablement dans son monde. Femme de peu de traits, avec le sens du découpage et admiratrice du choc des couleurs, elle fait sienne l’admirable devise « less is more ». Avec cette économie de moyens, l’Espagnole invente à l’envi des mondes impossibles dans lesquels elle place des personnages en quête d’un passé révolu et d’un avenir impalpable. C’est le cas dans ses trois BD sorties en France, Échos et Cedars chez Fidèle éditions et Zénith chez Rackham. C’est le cas, aussi, dans ses contributions pour les plus prestigieuses revues internationales à l’image de Cold Cube (Cold Cube Press) et de Now (Fantagraphics). Se perdre n’a jamais été aussi bon.



Il y en a des choses à voir dans les dessins de Raman Djafari. De grands personnages gélatineux, des constructions impossibles, des couleurs enchanteresses et de nombreux éléments épars se baladant au gré du vent s’emmêlent et font craqueler le sol du réel. Les couches s’y superposent et apportent chacune un bout d’histoire, une problématique nouvelle et des sentiments en pagaille. C’est bientôt toute la maison qui s’effondre et l’espace dégagé vous laisse voir les songes de l’Allemand. Ni vraiment figuration, ni totalement abstraction, les dessins du Berlinois, par ailleurs animateur, sont des portes ouvertes vers un surréalisme tendre fait de transes poétiques et de fantastique câlin. Aussi intrigantes dans la forme que dans le fond, les illustrations de Raman Djafari sont une expérience marquante dont il vous sera bien difficile de vous défaire.


Simon Bailly est l’enfant de décennies de bandes dessinées franco-belges et de livres jeunesse. Il est sans aucun doute aussi un cousin du comics underground à la Daniel Clowes. Il doit bien avoir quelques chromosomes communs, aussi, avec les grands affichistes du cinéma. Bref, il semble bien que le Lyonnais soit le produit d’une lignée sans défaut. Pas étonnant donc, qu’il excelle dans l’art de la ligne claire et de la facétie illustrée, qu’il maîtrise la description du quotidien et la mise en place d’ambiances souffreteuses et qu’il brille par l’équilibre de ses compositions et son aptitude à manipuler notre regard. On peut se dire que ça fait beaucoup pour un seul homme, mais l’auteur de Utopia chez L’Agrume et de Scienceflix avec Hamza Garrush et Kévin Razy chez La Martinière Jeunesse ne semble pas s’en faire d’avoir autant de qualités.


Les histoires racontées par Cynthia Alfonso sont d’un autre genre. Elles possèdent leur propre structure, leur propre système de narration. Oh, bien sûr, les pages se tournent et les cases se suivent. Mais le sol s’amollit sitôt qu’on y met le pied. Pied qui se perd inévitablement dans un monde où la forme devient personnage, où les couleurs nous parlent et où les éléments graphiques constituent l’intrigue. L’Espagnole crée, tente, expérimente. Oscillant entre l’abstraction et la figuration, le sketch et l’efficacité graphique, la simplicité et la profusion, Cynthia Alfonso n’a qu’un but : coller au plus près du labyrinthe onirique que sa tête a construit au fil du temps. Un édifice qui ne ressemble à aucun autre.


Il y a quelque chose d’intemporel dans les œuvres de Lou Benesch. Elles apparaissent là, dans notre monde d’aujourd’hui, mais elles pourraient tout aussi bien venir des temps passés ou d’une utopie future. Animaux, végétaux, êtres humains et créatures fantastiques s’y présentent sous leur meilleur profil. Sous le pinceau de la Parisienne, les voilà dotés d’une vie fantastique autour de laquelle tournent magie et poésie pour un enchantement complet. À ses traits tout en courbes et volutes répondent des couleurs à la matière marquée et à la franchise subtile. L’ancienne étudiante de La Cambre semble ainsi posséder ce mojo qui est l’apanage de quelques élu·es seulement : le pouvoir de poser sur toile nos rêves les plus extraordinaires. Poser son regard sur les dessins de Lou Benesch, c’est l’assurance de voyager loin, et pour longtemps.


Fanny Blanc crée des petits théâtres visuels dans lesquels, en une seule image, une histoire entière se déploie. Ses personnages, semblables à des pantins de papier, épousent des décors aux motifs graphiques puissants et aux perspectives ramassées. Et le tout forme des œuvres sans âge – et donc intemporelles – dont les capacités d’hypnose en ont coincé plus d’un dans leur filet. C’est que ses travaux peuvent aspirer les plus valeureux d’entre nous, en proposant un foisonnement d’éléments traduit dans une netteté et une précision sans tache. Cela nous ramène au temps d’Épinal où mille mots ne pouvaient avoir plus de pouvoir qu’une affiche. Fanny Blanc poursuit avec talent la tradition.


En 2023, Flóra Anna Buda présentait son film 27 au Festival de Cannes. Où elle remporta la Palme d’or du court-métrage. La biographie pourrait s’arrêter là, mais ce serait compter sans l’attraction provoquée par les travaux de la Hongroise. Car une fois la breloque rangée sur l’étagère restent les émotions. Les films et illustrations de l’animatrice donnent le sentiment d’un ailleurs perceptible, d’une impossibilité palpable où sont convoquées l’intimité la plus sensible et les dimensions se situant aux confins de l’esprit. Aux rythmes des corps modiglianesques habilement déformés par la jeune animatrice, répond une symphonie de couleurs et de sensualité où le réel se mêle au psychédélique dans une orchestration à la maîtrise soufflante. La reconnaissance est méritée et notre âme comblée.


Avec Leonie Bos, l’heure n’est pas à l’à-peu-près. Chaque chose a sa place et chaque place a une chose. Ainsi a-t-elle appris auprès de son père dessinateur en bâtiment et ainsi a-t-elle développé sa pratique. Car si le dessin évolue et si des changements ont lieu entre peinture personnelle et travail numérique de commande, la Néerlandaise garde son incroyable précision et sa maîtrise des perspectives ahurissante. Pourtant, il ne faut pas croire que la beauté des œuvres de Leonie Bos est uniquement sculpturale. C’est que ça vit là-dedans. Les couches de couleurs se côtoient avec joie et les différentes textures conversent sans langue de bois. Son amour du design et de l’architecture du XXe siècle se voit donc animé du charme de la vie en même temps que son langage est respecté à la lettre. Ménageant la chèvre et le chou, Leonie Bos choisit la bonne voie : la sienne.



Le littoral marseillais a eu la chance de voir débarquer Amina Bouajila, sitôt – ou presque – ses études finies. De là, elle a pu éblouir le peuple local de son talent. Celui-ci se niche dans les chemins détournés qu’elle fait prendre à son trait, aux improbables circonvolutions qu’il subit, aux digressions monstrueuses dans lesquelles il est fourré. Car les règles, la dessinatrice n’en suit pas, sinon les siennes. Et grand bien lui fait, car malgré les lois de la physique qui lui sont contraires, Amina Bouajila retombe toujours sur ses pattes. Elle nous livre au final des tableaux hallucinés, compositions foutraques et foisonnantes où se percutent le psychédélisme et la pop culture, internet et la poésie. De couvertures de Biscoto en doubles pages pour Libé, elle livre, libre comme l’air, sa vision de l’illustration, unique et incomparable.



Simon Bournel-Bosson est un enfant des années 90. Celle du divertissement télévisuel, de l’ennui du dimanche et des combinaisons à la Nintendo. Il est le héraut d’une culture populaire à la limite du surannée dont il truffe ses illustrations et bandes dessinée des éléments les plus évocateurs. Avec son trait dynamique et ses couleurs puissantes, il rend au dessin le spectacle permanent dont il est l’observateur depuis toujours. Il est aussi le digne héritier des grands génies de la BD, de ceux qui se servent de l’air du temps pour mieux universaliser leur propos et toucher. La preuve en images et en cases avec sa première échappée solitaire, Les Trompettes de la Mort, spectaculaire drame intimiste sorti chez L’Agrume.


Certaines personnes ont la capacité d’entrevoir le futur, mais bien peu ont la gentillesse de nous le raconter en BD. Xavier Bouyssou le fait et ça le rend vraiment très gentil. Sur son compte Instagram ou dans sa BD Toonzie, cet oracle du 9e art plaque la réalité à venir sur notre présent trop fade. Et le lecteur découvre, alors, la vérité. Mais tout ça ne serait pas si intéressant si le Bruxellois n’y ajoutait pas son humour astral et sa capacité à décrire le monde qui n’existe pas encore en quelques coups de crayons simples et brouillés. Un naturel dans le dessin et dans la narration qui rend ses œuvres absolument inarrêtables et qui écarte toute autre supposition sur la nature même de Xavier Bouyssou : c’est un génie.


Assis à sa table de dessin, Quentin Caillat ne reste pas statique. Au contraire, il explore. Armé de son appareil photo mental, il arpente sans relâche les coins les plus reculés de son cerveau, ceux dont les reliefs sont les plus saillants et les paysages les plus carnavalesques. Ses travaux sont les albums souvenirs de ces pérégrinations, les images figées d’une vie qu’on devine fourmillante. Personnages lynchéens, couleurs surréalistes et décors paranormaux posent les bases d’une grammaire dont les contrastes forment la conjugaison. Rigueur et démesure se tiennent la main quand le noir embrasse à pleine bouche les fluos les plus criards. Devant la masse visuelle qui s’abat sur ses yeux, quel geste peut sauver le regardeur ? Prendre sa valise et sauter avec Quentin pour le grand voyage.


Margaux Hauduc et Océane Carbou ont beau être des personnes tout à fait uniques et singulières, comme c’est le droit le plus strict pout tout citoyen français, elles ont néanmoins choisi pour leur vie professionnelle le principe dit de la fusion. Ainsi, c’est à quatre mains que ces deux anciennes de l’école Estienne arpentent les mondes joyeux de l’illustration de presse et de la communication. C’est avec tous leurs vingt doigts qu’elles ont construit un univers fait d’êtres éminemment mignons et sympathiques, aux couleurs tranchées et à l’aspect débonnaire. C’est avec leurs deux cerveaux en accord parfait qu’elles font de leurs travaux des réceptacles à un humour franc, à un engagement à peine voilé et à des atmosphères oscillant entre la dolce vita, le fantastique et la pop culture. Parce que, comme le dit l’adage, à deux, c’est forcément mieux.


Guillaume Chauchat, élevé à Lyon et entraîné aux Arts déco de Strasbourg, est un chercheur en dessin. Plus question pour lui de prendre le pinceau sans décortiquer un à un les éléments qui en constituent la sève. Il en pèse chacune des variables, en équilibre les forces et les faiblesses et parvient, avec une modestie de moyens, à frapper le plus fort possible. L’auteur d’Il se passe des choses (Éditions 2024) et de Je m’étais caché (Albin Michel Jeunesse) est en cela un karatéka du trait, une ceinture noire de graphisme. En quelques lignes et à l’aide de couleurs primaires, il joue avec les formes, les perspectives, les différences d’échelle, les points de vue et tord ça en tous sens dans des compositions en évolution constante. Prenez place, Maître Chauchat est prêt à vous donner une leçon.


Séverine Dietrich se joue de notre cerveau, le fait travailler, le fait s’évader. À base de formes géométriques finement agencées les unes avec les autres, la Lyonnaise ouvre de nouveaux mondes faits de paysages alpestres et de projections architecturales. Telle une mosaïque au minimalisme poussé jusqu’à l’abstraction, les couleurs franches de ses éléments s’étaient parlé, contredit, complètement. Elles sont insinuées dans nos synapses pour nous faire croire que ces lieux existent vraiment, que nous les avons vus et qu’ils font partie de nous. Mais avant cela, il y avait déjà l’efficacité graphique redoutable de ces peintures qui nous avait scotchés, tentés, envoûtés. Alors, nous étions restés, bouche bée, devant les œuvres de Séverine Dietrich. Le voyage, à ce moment, pouvait commencer.


Matthieu Chiara joue un drôle de double jeu, si vous voulez notre avis. D’un côté, il utilise son trait fin et divaguant pour mettre en scène la vie rigolote de nos sociétés tragiques. Du fait divers au football, il croque la stupidité humaine jusqu’à la rendre terriblement attachante dans un noir et blanc à la fois tendre et foisonnant. De l’autre côté, il s’embarque dans des peintures somptueuses où la nature vient écraser la petitesse de l’homme par son insondable beauté et ses couleurs infinies. C’est que cet ancien de la HEAR a le goût du dessin. C’est qu’il aime en affronter toutes les techniques pour en sortir à chaque fois le meilleur. Et à ce jeu-là, Matthieu Chiara gagne à chaque fois.


Les travaux de Marie-Laure Cruschi, alias Cruschiform, ne manquent jamais de provoquer chez le regardeur une sensation certaine de bien-être. C’est en contemplant les paysages somptueux et les compositions douces de cette Gardoise d’origine que le badaud sera pris de cette sérénité qui vient quand on se dit que chaque chose est à sa place et que la nature est bien faite. Grâce une science graphique sans faille, Marie-Laure Cruschi traduit décors et idées en combinant formes géométriques et dégradés soyeux. Le résultat s’étale alors sous les yeux du spectateur séduit, dans un mélange de poésie et d’efficacité qui établit dans le même temps un choc esthétique et un transport onirique. L’effet double du « ici et maintenant » mais aussi du « là-bas et pour longtemps » enveloppe nous autres chanceux dans un cocon dont il serait absurde de se sortir.



Jean Dalin possède des moyens illimités. Alors, comme tout personne bien dotée, il se construit des buildings délirants, aux espaces gigantesques et fourmillants d’éléments dont chacun est un argument pour faire état de sa supériorité. Nous parlons de dessin, bien sûr. Mais quel dessin. On dirait bien que le Lyonnais ne se donne aucune limite et que la création d’univers entiers ne relève pas du problème. Dans sa BD chez Sarbacane et dans ses différents projets personnels, le dessinateur n’aime rien d’autre que la démesure. Attention, toutefois, Jean Dalin est un riche élégant. Son trait ne s’étale pas, il décrit, tout simplement. C’est d’ailleurs là où se niche le trouble qui fait son talent. Avec des couleurs pastel et des lignes simples, il réalise l’abondant, l’immense, le vertigineux. À nous pauvres hères, il ne reste que les yeux ronds et l’envie.


Ne surtout pas se fier à sa première impression. Les couleurs flashy et les formes simples dont use la Barcelonaise ne doivent vous dévier d’une attention plus soutenue. Les contrastes chromatiques, les éléments ultra-lisibles et le modernisme de la composition fabriquent des images à l’impact fort et au charme immédiat. Pourtant, l’important chez Cristina Daura, c’est le déséquilibre. Car à cette première impression de netteté vient s’ajouter une sorte de malaise. Les couleurs sont trop tranchées pour être honnêtes, la lecture plus complexe qu’il n’y paraît et cette iconographie enfantine met un poil mal à l’aise. Eh oui, les images de Cristina Daura sont aussi belles que détraquées, ne paraissant fortes que pour en accentuer la fébrilité. Une claudication qui lui ouvre les portes des plus prestigieuses publications au monde ainsi que le cœur de nombreux admirateurs, frappés par ce jeu de dupe au pouvoir saisissant.


Il arrive fréquemment qu’on ne se souvienne pas de ses rêves. Et lorsque c’est le cas, ils nous semblent troubles, leurs contours sont impossibles et leurs scènes impensables. Antoine Eckart, en ce sens, dessine des rêves. Ses images semblent tout droit sorties d’une réalité altérée, passée à la moulinette d’un cerveau en roue libre plus attentif à la sensation qu’à la description exacte des événements. Le trait tremblant du Lyonnais, ses personnages mutants et ses formes hésitantes donnent à ses travaux ce joli goût d’onirisme, cette dose inimitable de poésie. L’important n’est pas ici de recréer les choses mais d’en donner le fumet, l’essence même. Et se rapprocher, ainsi, de leur nature véritable.


L’illustratrice hongroise Enikö Katalin Eged passe son temps à rêver. On ne lui en voudra pas. De ses balades oniriques, elle fait des compositions à se damner, qu’elle porte sur des posters et des t-shirts afin d’être sûre qu’on pourra y jeter un coup d’œil régulièrement. Ce qu’on fera, assurément après en avoir apprécié le parfum délicat et les couleurs chaudes. C’est son projet Imaginary Memories qui lui prend le plus de temps. Cette série, dans laquelle elle se rappelle d’inexistantes amours saphiques, correspond en tout point avec l’essence de son dessin. Un trait aux courbes prononcées, une multiplication de vignettes comme autant de souvenirs captés avant qu’ils ne s’effacent et un sentiment de liberté que vient offrir la nudité des corps et la luxuriance des décors. La mission est accomplie : sans qu’on y prenne garde, Enikö Katalin Eged nous a embarqués dans son rêve.


La douceur est un art de vivre. Et c’est peu dire que Morgane Fadanelli est une virtuose du genre. D’un dessin minimal aux traits peu nombreux, elle fait basculer chaque paysage ou situation qu’elle dessine du côté de la tendresse et de la cajolerie. Les couleurs aux tons pastel et la rondeur de ses personages contribuent bien évidemment à cette fête de la bienveillance et de l’amour. Qu’il s’agisse de sa ville d’adoption qu’elle dépeint de jour comme de nuit, de la campagne suédoise qu’elle chérit tant ou de Frida Kahlo dont elle est une fervente admiratrice, les modèles de Morgane Fadanelli sont tous issus de son panthéon d’adoration. Bienvenue dans son cocon.


Illustratrice ? Oui, sans aucun doute : on a pu voir sa maîtrise des formes simples et son amour des couleurs dans nombre de publications presse, affiches, livres et autres délicatesses esthétiques. Graphiste ? Évidemment bien sûr, c’est même comme ça qu’elle s’est forgé une réputation sans rayure de Lyon jusqu’au reste du monde. Légendaire ? Pour sûr, puisqu’on la retrouve derrière les identités visuelles les plus marquantes de ces dernières décennies, entre le label pionnier de Laurent Garnier F com et les publicités pour la marque de cosmétiques Bourjois. Cette ancienne de l’Ensad parisienne a su, au cours de sa carrière, tout faire, tout tenter, du dessin plat et immédiatement frappant aux compositions 3D foisonnantes, en passant par l’animation la plus inventive. Un monument, en fait.


Il y a un petit quelque chose de Ghibli chez la jeune illustratrice lyonnaise. Cette façon de réenchanter la nature, de lui donner une âme et un mouvement qui en affirme le pouvoir. Son travail sur les ombres et la lumière, sur les couleurs à la limite du vraisemblable, ses compositions remplies à ras bord de formes simples qui composent une mosaïque fascinante, tout ca rend ses images quasiment palpables. Il faut se rendre à l’évidence : il ya bien quelque chose qu’on ne peut saisir chez Camille Gobourg, quelque chose de magique tout simplement.



Qu’il fasse tout tout seul, comme pour son livre À travers chez Thierry Magnier, ou qu’il s’appuie sur le ragoûtant texte de Jim Dodge pour les illustrations de Fup sorti aux éditions Tishina, Tom Haugomat a ceci de formidable qu’il ne déçoit jamais. Il a, manifestement, trouvé la clé. Un détail croustillant ici, puis une composition tout en majesté qui se greffe autour et voilà que l’illustration se déploie dans son implacable efficacité. Le Parisien n’a plus, ensuite, qu’à habiller tout cela des larges aplats de couleurs franches qui font sa réputation et la magie opère partout et pour tous. C’est aussi cela, la force de Tom Haugomat : réaliser des œuvres qui viennent parler la même langue au quidam dans la rue qu’au grincheux du dessin, critique trop esthète. Le discours cajole l’un comme l’autre et rend aux deux individus le sourire qui n’aurait jamais dû quitter leur visage. Ce qu’ils viennent de voir est beau et a rempli leur âme pour de précieux instants.


Lisa Junius est une magicienne. Ce qui rend – on vous l’accorde – les choses bien plus faciles. Ainsi, elle sait tout faire. Elle n’utilise pourtant pas son pouvoir à se tourner les pouces plus vite que la moyenne. Ses charmes, elle les met au profit de l’art illustré. Un art qu’elle pose partout où elle le veut bien, sur une simple page blanche aussi bien que sur un mur, une tasse, un banc, un tissu et tout autre chose qui pourrait magnifier les élans poétiques qu’elle a chevillés au corps. La Luxembourgeoise se propose en effet de réenchanter, via son œuvre aux formes simples et aux atours éco-féministes, un monde rouillé et dépressif. Abracadabra et tout ira mieux.



Hippolyte Jacquet n’aime pas bien le vacarme. Il lui préfère les moments de contemplations silencieuses, surtout quand ceux-ci s’emmêlent les pinceaux dans les mouvements de l’âme. Ainsi s’est-il fait une spécialité de dessiner les paysages et architectures comme on peint des amis proches ou des amours secrètes : en faisant tout pour transmettre leur beauté, leur singularité et notre admiration à leur égard. Ce qui n’empêche en rien le Lyonnais de placer ici ou là quelques êtres humains. Mais ceux-là deviennent alors les adjoints, les seconds rôles, les confidents de tout ce que les décors ont à nous dire. Avec sa ligne claire d’une maîtrise à couper le souffle et ses angles de vue puissants, Hippolyte Jacquet parvient au but qu’il s’était fixé : nous faire tomber amoureux de ses images, dans un silence assourdissant._


Carrés, ronds et, allez, quelques courbures bien senties. Le travail de Mathieu Labrecque est fait d’éléments simples, mais ça ne veut pas dire qu’il est à la portée de tous. À la manière d’un impressionniste des temps numériques, le Montréalais travaille le réel par petites touches. Des formes qui, mises bout à bout, créent le sens. Avec ses couleurs pop et ses atours naïfs, l’œuvre du Canadien permet de capter immédiatement l’attention pour mieux parler de la complexité d’une époque qui nous échappe. N’est-ce pas ce qu’on demande aux illustrateurs ? Traduire la réalité pour la rendre accessible. Mathieu, simplement, remplit sa mission.


À première vue, tout n’est que candeur et joie de vivre. Des couleurs pimpantes, un trait naïf et naturel et des personnages en forme de bestiaire domestique tout ce qu’il y a de plus chou. Mais il faut gratter le travail d’Anna Kulíčková pour percer cette couche de joliesse aussi séduisante que trompeuse. Car ce que nous raconte la Tchèque avec son esthétique à la mignonnerie aiguë n’est rien d’autre que la vie qui va, avec ses moments de mieux et de moins bien, ses trottoirs sales aussi bien que ses ciels enchanteurs. Directe, honnête et sans filtre, l’illustratrice se livre et livre au regardeur une œuvre du réel.


Les œuvres de Gaëlle Loth ne s’arment pas d’une vitre teintée. Elles sont sans détour, prenant le chemin le plus direct entre l’intime de leur autrice et notre ressenti à nous. Le cerveau commande aux mains, qui s’exécutent dans un langage bien plus franc que n’importe quel vocabulaire écrit ou parlé. Il y a dans le travail de la Lyonnaise quelque chose d’à la fois primaire et éminemment inexplicable dans l’impression qu’il fait au regardeur. Les émotions sont là, nues, exposées aux yeux de tous. Les couleurs pastel nuancent le chatoyant, l’abstraction prend le relais du figuratif et l’expressionnisme bataille avec le non-dit comme pour représenter toute la palette des sentiments et la complexité de l’âme humaine. Et puis, au travers de ces quelques traits, l’évidence se fait jour.


Se balader parmi les images de Jules Magistry, c’est comme ouvrir un grand livre d’histoire de notre toute petite histoire. Celle qui nous a vus errer entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, entre la culture pop ostentatoire et le début de sa dépression, entre nous et nous-mêmes à l’âge où nous nous cherchons sexuellement, philosophiquement et professionnellement. Par ses grands traits de crayons aux couleurs aussi vives que notre âme est à fleur de peau, il scrute les questionnements adolescents, les tribulations adultes et les fascinations de toujours. Sa bande dessinée autoéditée, Teenage Apocalypse 4, est l’exemple même de sa passion pour cet âge du tourment adulte et de la jouissance enfantine. Alors, forcément ça louvoie, le dessin cherchant obstinément à fuir le réel pour mieux créer sa vérité. La fragilité de l’avenir et le faste du souvenir en un seul trait magnifique.


Elisa Marraudino aime la mignonnerie et les grosses bagarres, les blagues potaches et les récits poignants, les exubérances graphiques et les ronds bien ronds. Elle aime, donc elle fait. Et il faut croire que cette ancienne d’Émile Cohl dispose de plusieurs cerveaux en un, car elle parvient à faire de ses goûts hétéroclites une mosaïque pop en tout point irrésistible. La Strasbourgeoise parvient en effet à marier les contraires et à agencer cela dans des bandes dessinées, t-shirts, posters et stickers qui font à chaque fois mouche. Alors, forcément, le spectateur fond, conquis par l’humilité et le talent d’une dessinatrice qui fait ce qu’elle aime et aime ce qu’elle fait.


Il ne faudra pas trop être à cheval sur les lois physiques et anatomiques. Mais sinon, l’œuvre de Sarah Mazzetti est fortement conseillée. À toute personne qui ne dit pas non à un bon godet de fantaisie et à une livre de beauté servie sur table, nous offrirons volontiers le sublime Giolelli di Elsa (Edizioni Canicola, 2017) où simplicité et expérimentations marchent main dans la main. L’idée derrière chacune des propositions de la native de Bologne est d’épicer salement la vie. Et pour cela, elle peut aussi bien se servir des préceptes chamarrés du psychédélisme que de l’authenticité du crayonné. Peu importe la jambe sur laquelle elle s’appuie, le reste n’est que danses et galipettes. Perspectives impossibles et proportions surnaturelles encombrent ses compositions amples et généreuses. Et donnent au spectateur cet air un peu idiot de celui qui admire.


Dans les arts visuels, il faut avoir le goût de l’expérience et du tâtonnement. Savoir plonger les mains dans le saladier et tester de nouvelles recettes, doser un peu moins ici, en rajouter là. C’est précisément ce que fait Aless MC qui, pétrie de nombreux savoir-faire, tente de les combiner et de trouver à un problème plusieurs solutions. Graphiste aussi bien qu’illustratrice, la Montréalaise manipule les éléments, distord les formes, joue de la typographie et séduit en couleurs. Elle peut mettre tous ses super-pouvoirs ensemble, comme dans ses séries de cartes de tarot pour le magazine Zeit Campus, ou pousser plus fort l’un de ses talents, ainsi qu’elle le fit en illustrant Monstres sacrés, un livre jeunesse paru chez La Pastèque. Nous attendons avec impatience ses prochaines tentatives.


Les circonvolutions et les mignardises ne sont pas pour les gens comme Alice Meteignier. Elle préfère de loin le brut de décoffrage. Elle dessine, elle trace, elle colle, elle tamponne et il faut que ça se voie. La texture si particulière de ses travaux s’allie en outre à l’amour des prises de vues inédites et des proportions fantaisistes. Ses productions prennent ainsi corps dans le monde réel, viennent choquer les dimensions entre elles et laissent une empreinte indélébile pour celui ou celle qui les regarde. Cette propension à la percussion n’enlève pourtant rien – et c’est là que se niche la magie – à la mignonnité de ses compositions et à l’efficacité de ses contrastes noir pétrole/couleurs explosives. Ainsi brille-t-elle autant dans la littérature jeunesse (Max et Marcel chez MéMo en 2016) que sur les murs des ateliers chics (Tzara à Paris en 2022). Comme quoi, le naturel qui fonce au galop, ça a du bon.


Manon Molesti n’oublie pas. Malgré nos smartphones, nos satellites et nos chaises de camping en plastique, elle sait que les éléments sont encore à l’œuvre dans notre monde. Le feu, l’eau, la terre : voilà les véritables maîtres du cours des choses. L’illustratrice lyonnaise les magnifie dans ses œuvres qui goûtent autant le banal que l’extraordinaire. À coups de pinceaux et crayons, sur caillou ou sur toile, l’ancienne étudiante d’Émile Cohl use de son réalisme pour provoquer l’éblouissement. Dans le quotidien comme dans la catastrophe, Manon Molesti met en scène la puissance de ces forces primaires, captant la substance de leur fluide pour en restituer la lumière. Alors, nous aussi, on se souvient.


Difficile de savoir quel sera le prochain coup de Geoffroy Monde. Il peut tout aussi bien faire mat au premier tour que renverser le plateau et envoyer valser tous les pions. C’est que l’ancien Lyonnais a un sérieux atout pour être imprévisible : il sait tout faire. Décors grandioses, bidouilles efficaces, perspectives improbables ou traits fulgurants, blagues potaches, aventures trépidantes, épopée SF ou calembours de comptoirs, rien ne semble échapper à la maîtrise de ce faux nonchalant. Son obèse bibliographie parle pour lui et comble de bonheur quiconque a la joie d’en posséder un des joyaux. Sous un talent narratif peu commun et une épaisse couche d’humour se cache un vrai amoureux du dessin qui pèse chaque ligne et pioche son style en fonction de l’effet désiré. Petit génie masqué en gros rigolo, Geoffroy Monde peut battre n’importe qui, sur n’importe quel terrain. Appelez-le Bobby Fischer.



Aux couleurs pétaradantes, Virginie Morgand est reconnaissante. Chacune des images de l’illustratrice installée à Lyon est un feu d’artifice vibrant et hypnotisant où se côtoient de multiples zones lumineuses bataillant entre elles. En jouant avec ces formes irradiantes, elle figure avec le moins d’indices possible les scènes qu’elle veut représenter. S’échappe alors le doux fumet des affiches anciennes, une mélancolie d’un temps passé et fantasmé. Les dessins de Virginie Morgand inventent une époque imprécise mais dont on est certain qu’elle fut douce et confortable. Un temps hors du temps que nous arpentons avec délice en ouvrant ses livres jeunesse (Les JO des animaux, Tchoum) ou en arpentant les divers projets de commande sur lesquels elle travaille. Et on peut vous dire que la visite vaut le détour.


Les illustrations de Laura Olivieri font l’effet d’un coup de vent. D’un coup, nous nous envolons, transportés vers les ailleurs qu’elle ne cesse de dessiner sur son carnet. De petits traits vifs au pastel, des couleurs savamment dosées et le grand départ est sonné. Nous atterrissons au milieu de ses paysages grandioses ou de quelque coin de nature luxuriante. Sa nouvelle édition, Printemps, fait durer le plaisir et prolonge le séjour dans les décors magiques de la Lyonnaise.


Óscar Raña fonce sans se poser. C’est que l’Espagnol ne semble pas aimer être dans les fers ou se cogner aux murs et barreaux qui empêchent la beauté de se créer. Les expériences graphiques dont il fait sa spécialité peuvent absolument tout nous raconter, pour peu que nous prenions nous aussi cette dose de liberté dont il a fait sa drogue favorite. Versé dans l’abstraction, grand amateur de perspectives et de formes en tout genre, il laisse le spectateur créer ses propres histoires, inventer son propre monde avec les quelques éléments qu’il nous offre. Lui, en attendant, joue. Il joue des compositions, compose le mouvement et harmonise des couleurs pour offrir à ses visuels le maximum d’impact. À nous, ensuite, d’oser le suivre.



Erwan Roussel ne se contente pas de la réalité. Il aime mieux partir ailleurs, là où le mènent son imagination débridée et ses envies esthétiques. Ainsi, à l’approche de ses œuvres, nous entrons dans une dimension parallèle où bestiaire fantastique, inspiration gothique et onirisme puissant viennent former des images à nulle autre pareilles. Un trait net, une science poussée de la composition et des volumes surlignés forment des territoires alternatifs dans lesquels plus aucun sujet n’est tabou et aucune scène ne semble impossible. Happés par ces visions inédites, nous succombons, comme hallucinés, sous le charme indescriptible de ce créateur de mondes, magicien du dessin. Tant pis pour le réel.


Passée par Bruxelles, Jeanne Saboureault vit aujourd’hui à Lyon. Migration qui ne peut que nous ravir puisque nous accueillons avec elle son penchant pour les couleurs vivantes, sa sensibilité pour l’intime et son expertise dans les relations entre l’homme et la nature. Celle qui peut également se faire appeler JANO (du nom de son projet pour enfants initié à la sortie de ses études) se nourrit ainsi de paysages immenses aussi bien que de sentiments enfouis. Plutôt que de les séparer, elle en fait des compléments, les éléments d’un grand tout qui se répondent et s’enrichissent. Ses illustrations témoignent de cet entremêlement, alliant le trait humble à l’explosion visuelle, le silence de la méditation au vacarme de l’éblouissement. Un dessin en forme d’union.


Au commencement de l’animation était le dessin. Un dessin qu’Alice Saey veut percutant, onirique et foisonnant. Bardé de couleurs surréalistes, emporté par la poésie du monde et toujours admirablement séducteur, le travail d’Alice Saey n’attend pas qu’elle le manipule pour déjà emporter le morceau. Et pourtant, son but à elle c’est le mouvement, c’est la possibilité de faire de ses images des tourbillons dynamiques, de ses motifs des machines hypnotiques dernier cri, de ses bestiaires des évocations d’un jardin d’Éden encore bien vivant. À des couleurs marquées, la Rotterdamo-Parisienne ajoute un trait pétri d’humanité, à la fois visuellement impressionnant et marqué par les failles d’une main qu’un cerveau sensible agite. Le dessin avant toute chose.


Durant de nombreuses années, Téo Transinne a mené une double vie. Simple vous-et-moi le jour, artiste la nuit. Son dessin était alors un passe-temps, un hobby qu’il apprenait en autodidacte dans les interstices de sa vie. Et crac : ce qui tambourinait depuis des années à la porte a fini par sortir au grand jour. Le Lyonnais peut aujourd’hui arborer le sourire fier du self-made man et nous avons la joie, de notre côté, d’admirer les images qu’il bâtit à grands coups de crayons de couleur. Et joie n’est pas un vain mot lorsqu’il s’agit de jeter l’œil au milieu de ces zooms sur le quotidien. Téo Transinne s’arrête en effet sur ces petits riens qui font les grands touts et observe avec tendresse le délaissé : avec un vasistas entrouvert, une flaque dans le caniveau et une vitre brisée, il vous monte la magnifique exposition Chez soi. Comme d’habitude, il lui suffit de pas grand-chose pour donner beaucoup.



Qu’elles soient en noir et blanc ou bourrées de couleurs, les images de Baptiste Virot explosent. C’est leur raison d’être. L’ancien Strasbourgeois et actuel Bruxellois tire ses lignes claires jusqu’à la déraison, embrase les expressions de ses personnages et joue des différentes techniques d’impression pour gaver le regardeur de tout son talent. Il y a mille et une choses dans le travail du cofondateur de la maison d’édition Animal Press mais le calme n’en fait pas partie. C’est qu’il aime dessiner, le Baptiste, et qu’il s’amuse comme un petit fou à concocter affiches et bandes dessinées dont l’absurdité et la puissance graphique sont les deux piliers. Son imagination hors des clous et son style hallucinogène transporte alors le spectateur vers la plus pure des joies enfantines : l’admiration.



La dilatation du temps est un phénomène théorisé par les physiciens et expérimenté par Clément Vuillier. Comment expliquer, sinon, qu’il lui soit possible de subvenir à ses besoins les plus élémentaires en même temps que de dessiner d’aussi minutieuses pièces ? À la limite, nous pourrions penser à une charrette circonstancielle. Mais non, voilà des années qu’il parsème ses œuvres d’un nombre incommensurable de traits, que ce soit dans ses sorties chez sa maison d’éditions 3 fois par jour ou pour son abasourdissant Comète chez 2024. C’est que, pour Clément Vuillier, le trait guide tout. Il est à la fois le son et la lumière de ses dessins. S’il foisonne ainsi, c’est pour que nous ressentions dans notre corps la matérialité des sujets évoqués. Et comme Clément ne jure que par le grandiose, les coups de Rotring se multiplient jusqu’à ce que la boule de feu soit sur nos lèvres et la rocaille au creux de notre main. À nous, maintenant, de prendre notre temps.


Plus que de la douceur, c’est la langueur qui transparaît dans les images et bandes dessinées de Melek Zertal. Ces moments où, allongées dans le lit, se délassant dans un jacuzzi, seules ou à plusieurs, ses héroïnes s’enfoncent dans les méandres de leurs propres pensées. La Franco-Algérienne dessine des femmes qui ne pensent, enfin, qu’à elles-mêmes et à la façon dont le quotidien les abîme ou les rend plus fortes. Aux drames tragiques et aux suspenses insoutenables, l’artiste préfère les moments de pas grand-chose où l’introspection prend la place centrale. Pour dessiner la lenteur et la réflexion, Melek Zertal use de de traits rares et simples, plus proches d’esquisses que de produits parfaitement ciselés. Elle les enrobe ensuite de couleurs pastel qui jouent le rôle de couverture molletonnée pour cocooning mélancolique. Au sein de ces méditations, nous plongeons avec elle.



Eline Van Dam, alias Zeloot, voit grand, voit gros, voit fort. Chacune de ses images a pour objectif l’effet bœuf, cette sensation soudaine d’être emporté par un visuel puissant et extraordinaire. L’illustratrice et graphiste néerlandaise use pour cela de son talent de compositrice, de la force de ses couleurs et de la maîtrise de ses formes. Réinventant le psychédélisme pour notre époque, elle ne lésine pas sur les dysmorphies et les points de vue audacieux pour toujours créer la surprise et kidnapper le regard du chaland. Ainsi, le spectateur se retrouvera incapable de détourner les yeux de ces œuvres et en redemandera, en se léchant les babines de ce délicieux goût acidulé que laisse le travail de Zeloot. Et on en voudra toujours plus.